MUMPRENEUR

Voilà un long moment que j'avais envie d'écrire un article à ce sujet. "Mumpreneur" ce nouveau mot anglo-saxon, tout droit venu des Etats-Unis, qui s'affiche dernièrement un peu partout sur mes réseaux sociaux. En gros la mumpreneur, c'est l'image de cette fille qui réussi pleinement à combiner son rôle de maman et d'entrepreneur.

Moi je suis maman depuis 3 ans, je dirige avec mon mari notre entreprise depuis 6ans et pourtant "mumpreneur" c'est définitivement pas mon cas !

Quand j'étais enceinte, gavée d'images idylliques de familles parfaites, principalement américaines, qui faisaient exploser mes hormones, j'imaginais naïvement que je pourrais combiner "easy" mon activité d'entrepreneur et mon nouveau rôle de maman. Après tout si d'autres mamans sur les réseaux pouvaient y arriver pourquoi pas moi, n'est-ce pas ? Et je pensais tout simplement que je bosserais pendant les heures de sieste de mon bébé et le soir une fois qu'il serait couché. J'ai même poussé la naïveté jusqu'à ne pas me renseigner sur les modes de gardes disponibles, tellement j'étais sûre de mon choix. Profiter de la petite enfance de mon enfant, ne rien rater tout en travaillant depuis la maison, c'était la grande classe, l'image parfaite de la mère de famille qui assure, tout ce que je voulais être. Et même après avoir appris qu'il y aurait deux bébés, j'ai pas tilté une seconde sur mon choix, wondermum je vous dis !

La réalité c'est que n'est pas Kate Middleton qui veut l'être. Huit heures après l'accouchement, je ne pouvais pas mettre un pied hors de mon lit sans m'évanouir, j'ai même perdu la vue pendant 10H pour cause d'hypertension qui m'a cramé quelques connexions dans le cerveau, j'en ai hurlé de panique jusqu'à ce que le médicament agisse et que j'y vois à nouveau clair. Il m'a fallu trois longs mois groggy pour que mes organes se remettent à fonctionner correctement après cette pré-éclampsie. Travailler à ce moment-là m'étais impossible, tout comme m'occuper pleinement de mes bébés. C'est mon mari qui a endossé ce double rôle de faire tourner l'entreprise tout en s'occupant de deux minuscules petits bébés les premiers temps. 

Et puis au fil des mois qui passent, nos bébés qui grandissent, et on se rend compte que concilier vie professionnelle et vie personnelle n'est pas aussi évident que ce que l'on pensait avant d'avoir des enfants et qu'une garde devient indispensable si l'on veut à nouveau travailler correctement. On a pris une nounou de dernière minute alors qu'elles avaient 7 mois, par défaut en étant peu convaincus par son professionnalisme, et les laisser le matin la boule au ventre était une sensation absolument désagréable. Puis nous avons enfin décrochés ces deux places convoitées dans une super crèche alors qu'elles avaient 23mois. Une année entière où nous les savions entre de bonnes mains, sur une plage horaire assez étendue (9H/17H - 5jours par semaine) nous a permis de trouver un nouveau rythme de travail serein et plus efficace que les deux premières années. 

Qu'est-ce qui fait donc la différence entre mon statut de maman entrepreneur et mes copines mamans salariées, nous qui faisions garder nos enfants de la même manière ? 

La flexibilité des horaires avant tout. Un immense avantage dont nous profitions déjà avant d'être des parents, travailler sans rendre de comptes à personne ni contraintes horaires depuis notre maison est une chance que nous mesurons chaque jour. Avec l'arrivée des filles, surtout depuis qu'elles sont à l'école, nous avons adapté notre rythme à leurs heures de scolarité et nous complétons les heures qui manquent le soir, quand elles sont couchées et pendant les siestes le weekend. Résultat cela nous permet d'être présents à la sortie d'école à 16H40 tous les jours et de les garder à la maison les mercredis, mais aussi de pouvoir rester à leurs côtés lorsqu'elles sont malades sans avoir à prévenir un supérieur. 

En contrepartie nous travaillons tous les jours sans exception, particulièrement le soir tard jusqu'à minuit lorsqu'elles sont couchées. Egalement nous avons l'entreprise dans la tête H24 : ses succès comme ses échecs, les nombreuses charges à payer tous les mois, la communication permanente pour se faire connaître ce sont des pensées qui sont lourdes au quotidien, où il n'y a pas de pause même en vacances, qui sont d'ailleurs extrêmement rares car lorsque nous ne produisons rien et bien il n'y a aucunes rentrées d'argent, et tout cela parfois me pèsent beaucoup. 

L'arrivée des filles nous a amené à revoir entièrement le fonctionnement de notre entreprise. Nous avons supprimé certaines prestations, inventés de nouveaux produits à vendre en créant de la décoration pour enfants, prenant ainsi le pas sur les autres prestations que nous ne pouvions plus faire afin de compenser financièrement ce manque à gagner. Aujourd'hui je ne me déplace plus sur les mariages l'été pour pouvoir garder nos filles. Cela me manque beaucoup, même si c'est mon choix de ne rien rater de l'enfance de mes filles, je le vis vraiment comme un sacrifice et je sais que je reprendrais cette partie de mon boulot avec grand plaisir quand elles seront plus grandes. Malgré le fait que cette décision ne me satisfasse pas 100% je la place quand même dans la partie "avantage" de mon métier, car oui ce statut sans contraintes et évolutif me permet de gagner ma vie comme je l'entends et de l'adapter en fonction des situations auxquelles je suis confrontée, et pouvoir rester à la maison pour m'occuper de mes filles tout en gagnant de l'argent reste une chance dont j'ai bien conscience. 

Mais pour moi le majeur inconvénient de ce statut "mumpreneur" c'est l'insécurité sociale dont fait preuve une femme entrepreneur et sur ce point c'est un vrai débat de société qui devrait être présenté en assemblée. Premièrement il y a une grande différence d'aide financière entre un homme entrepreneur en congé paternité et une femme entrepreneur en congé maternité, mon mari avait des aides plus avantageuses que moi et j'avais trouvé cela scandaleux ! Outre le fait de cette différence entre un homme et une femme, les remboursements proposés pour compenser le manque à gagner par l'arrêt de l'activité pendant le congé maternité, ne couvre que partiellement les charges fixes qu'une entreprise en SARL comme la notre doit payer. Concrètement sans une trésorerie conséquente de côté, une femme entrepreneur ne peut tout simplement pas prendre un véritable congé maternité comme une femme salariée y à droit. Pour ma part j'avais fait le choix de travailler jusqu'au bout, j'envoyais encore des mails en pleines contractions à l'hôpital le 30 septembre 2015, afin de pouvoir bénéficier de ce semi congé maternité une fois les filles nées. C'est ainsi que je me suis retrouvée à décorer un mariage avec mon ventre d'1m10 de diamètre, mes bas de contentions so glamour, juste trois semaines avant d'accoucher ! C'est quelque chose que j'ai pu faire parce que je n'avais pas d'autres enfants à garder à la maison donc je pouvais me reposer quand j'en avais envie mais si cela avait été le cas cela aurait voulu dire que j'aurais dû faire consciemment une croix sur mon activité sans aides financières pour compenser à côté et pour moi c'est quelque chose qui n'est pas normal.

Pour conclure j'aimerais juste préciser que ce n'est pas du tout un article pour me plaindre, bien au contraire ! J'aime mon métier, j'aime son fonctionnement malgré ses aléas,  mais bien évidemment comme tout dans la vie, rien n'est parfait. Et même si ces "mumpreneur", dont je fais partie, peuvent refléter l'image d'une vie parfaite, où l'on travaille à la maison tout en étant disponibles pour ses enfants, il ne faut pas oublier qu'il y a une toute autre réalité derrière instagram et surtout beaucoup de travail, de compromis et de privations parfois pour arriver à tout mener de front.